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L'HISTOIRE POUR TOUS

Ecrire et faire aimer l'histoire

L'Histoire Pour Tous N° 59 : Le massacre de Casas Viejas : les anarchistes contre la Seconde République

Le drame de Casas Viejas

C‘est peu dire que les décennies 1920 et 1930 ont été politiquement agitées en Espagne : guerre coloniale dans le Rif, dictature de Primo de Rivera, soulèvement des Asturies en 1934 puis guerre civile et révolution le 18 juillet 1936. Mais l’un des épisodes les plus traumatisants de la brève histoire républicaine aura été une expérience de communisme libertaire à Casas Viejas, dans la province de Jerez, en Andalousie du 10 au 12 janvier 1933.

Photo ci-dessus: Le massacre a fait 21 morts entre assassinés et brûlés vifs. A l'image, la criminalistique et les journalistes, devant les corps de Casas Viejas en janvier 193

L'Andalousie de l’époque est une terre sur laquelle la lutte des classes se trouve simplifiée à l’extrême : d’un côté des grands propriétaires terriens résidant souvent à Madrid ou dans d’autres capitales Européennes, de l’autre l’immense masse des paysans sans terres, journaliers, semeurs, moissonneurs, chevriers toujours à la limite de la famine. Au milieu, quelques petits paysans, commerçants, artisans constituent un semblant de classe moyenne. Le tableau est complété par un clergé toujours du côté des puissants et la Garde Civile chargée de perpétuer l’ordre dominant à coups de crosse.

Photo ci-dessus : Des Gardes d'Assaut qui a été envoyés pour réprimer le soulèvement à Casas Viejas

Comme dans la Catalogne industrielle, l’idéologie anarchiste s’est rapidement propagée sur cette terre Andalouse de bandits d’honneurs et de guérillas datant de l’invasion Française, parfois sous une variante millénariste. Pour y faire face, la caste des propriétaires invente une organisation fantôme, la « Mano Negra» (La Main Noire), accusée d’exécuter riches et contremaîtres, prétexte commode à des exécutions en 1884. L’ombre du terrorisme anarchiste restera dès lors utilisée dans la presse à chaque mouvement social.

Photo ci-dessus : Un Garde Civil contrôle un paysan à Casas Viejas

En 1932, la Seconde République promet une réforme agraire qu’elle tarde à réaliser.

À Casas Viejas, bourgade misérable de la périphérie de Medina Sidonia n’a rien de particulièrement insurrectionnelle. Toutefois, la CNT y est fortement implantée, comme dans toute la région. Ses adhérents, en querelle permanente avec les Socialistes et autres Républicains, sont travaillés par une propagande qui promet un bouleversement social brutal et rapide.

Photo ci-dessus : Des corps de Casas Viejas

Photo ci-dessus : Arrestations de certains Anarchistes de Casa Viejas

Or, début 1933, les Anarchistes vivent une compétition entre les syndicalistes de la CNT et les gardiens du temple de la FAI dont le but est de multiplier les soulèvements, selon la doctrine de la « gymnastique révolutionnaire ». Se basant sur une supposée grève des cheminots qui doit paralyser les mouvements de troupes dans le pays pour le 10 janvier, la FAI, poussée par Garcia Oliver, envoie un mot d’ordre insurrectionnel aux quatre coins du pays.

Photos ci-dessus : C'est ainsi que fut laissé la maison de Seisdedos

Des révoltes éclateront à Barcelone, Valence, en Aragon et seront vite écrasées.

Sauf à Casas Viejas, le 10 janvier, où les paysans, ignorant la situation nationale décrètent le communisme libertaire et hissent le drapeau rouge et noir avant d’entamer le siège de la caserne de la Garde Civile. Quelques membres locaux de la CNT, doutant de la victoire, se cachent ou s’enfuient dès le début. Durant l’affrontement de la première nuit, deux gardes civils sont tués.

Photo ci-dessus : Filles des personnes tuées et détenus, lors des événements de Casas Vieja, dans la salle à manger de la Croix Rouge, en mrs 1933

Le mercredi 11, un peloton de Gardes Civils et de Gardes d’Assaut (nouvelle police Républicaine) arrive en renfort à Casas Viejas et libère les assiégés. C’est la panique chez les insurgés qui fuient pour la plupart alors que les soldats entament des perquisitions. Un combat inégal s’engage quand même autour de la hutte d’un vieux charbonnier, « six doigts », vieux fusils contre mitrailleuses, c’était celle de Francisco Cruz Gutiérrez (1856-1933), surnommé Seisdedos.

Photo ci-dessus : Le rédacteur en chef, du journal ABC de Séville, Mr Gomez Bajuelo, qui a été le premier journaliste a arriver à Casas Vieja, pour couvrir les événements, au moment où il interviewait le maire de Cadix

Dans le feu de l’action, le capitaine Manuel Rojas Feijespán (Rojas), qui a perdu deux de ses Gardes d’Assaut, fait finalement incendier la baraque, exterminant ses occupants (C'est ainsi que fut laissée la maison de Seisdedos, un charbonnier de 72 ans qui se rendait de temps en temps au quartier général de la CNT, dans la hutte de laquelle les rebelles se réfugiaient et qui fut incendié sur ordre du capitaine Rojas. Deux occupants ont été abattus alors qu'ils fuyaient l'incendie, six autres ont été brûlés à l'intérieur et deux parviennent à s’enfuir, un enfant et María Silva Cruz (1915-1936), photo ci-dessous.

La mécanique infernale de la répression aveugle est alors enclenchée : vingt morts, des dizaines d’arrestations et de cas de torture se poursuivant pendant des mois.

Photo ci-dessus : Après la tragédie, un groupe d'enfants qui ont perdus un proches lors des événements, reçoivent du pain par le curé de Casas Viejas (prise par Serrano)

Dans le reste de l’Espagne, après un temps consacré à la célébration de la victoire contre les insurgés, la conduite de la soldatesque ayant obéi aux ordres Ministériels va provoquer un énorme scandale qui se conclura par une condamnation en Cour Martiale de Rojas et de ses lieutenants. Peu de temps après, Menendez, Ministre de l’intérieur, est poussé à la démission tandis que le gouvernement de Centre Gauche de Manuel Azaña, attaqué à gauche et à droite, est renversé au parlement et la Réforme Agraire enterrée.

Photo ci-dessus : Isabel Pino & Encarnacion Barbera, mère et épouse de Manuel Quijado Pino, retrouvé mort menoté en février 1933 (Serrano)

Casas Viejas reste depuis lors comme l’incarnation de la brutalité de la République Bourgeoise, mais il faut remarquer que les plus grosses tueries régionales seront l’œuvre des Fascistes et des Militaires Putschistes dès le début de la Guerre Civile en juillet 1936.

Photo ci-dessus : Des Membres de la Commission Parlementaire officieuse qui se sont rendu à Casas Viejas, qui se rendent avec le maire de la ville à la maison de Seisdedos (Serrano)

Beaucoup de survivants de Casas Viejas y laisseront leur peau à ce moment-là. Quant au capitaine Rojas, fidèle à lui-même, il s’engagera chez les Franquistes.

Photo ci-dessous : Lecapitaine Manuel Rojas Feijespán, l'auteur du massacre


Photos ci-dessous : Lors du Procès en 1935 des événements de Casas Vieja, le Ministre de l'Intérieur Santiago Cesares Quiroga (à gauche), jugé pour sa responsabilité du massacre, avec son défenseur et la seconde, il lit un document 

Photos ci-dessous : Manuel Azaña (à gauche) et le Ministre de l'Intérieur Santiago Cesares Quiroga, à leur départ de la Cour Suprême, après avoir témoigné sur les événements de Casas Viejas en mai 1935

Photo ci-dessous : La ville de Casas Viejas, actuellement fait partie de la Municipalité  de Benalup-Casas Viejas

Sources : Journal Espagnol ABC

A Nîmes le 24 avril 2021

Recherche effectués par Denis Cazorla

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