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L'HISTOIRE POUR TOUS

Ecrire et faire aimer l'histoire

L’Histoire Pour Tous N°86 : Conflit entre l’Espagne et Allemagne au sujet des Îles Carolines

Conflit entre l’Espagne et Allemagne au sujet des Îles Carolines

Voici un événement qui s’est déroulé en août 1885, que pratiquement personne ne connait et qui aurait pu déboucher en une guerre entre l’Espagne et l’Allemagne, au sujet des Îles Carolines et sans l’intervention du Pape, ce conflit n’a pas eu lieu.

Mais pourquoi ?

Les premiers Européens à arriver dans les Îles Carolines furent les explorateurs Espagnols Toribio Alonso de Salazar ( ?-1526) et Diego de Saavedra, le 22 août 1526, sur une île qu'ils appelèrent San Bartolomé. 2 ans plus tard, le 1er janvier 1528, un autre explorateur Espagnol, Alonso de Saavedra y Cerón ( ?-1529) , commença l'année en prenant possession des îles Uluti au nom du roi d'Espagne. Elles sont nommées Islas de las Hermanas, Hombres Pintados et Los Jardines. Aucune des îles n'était habitée et il fallut attendre 2 décennies avant que des galions Espagnols ne les visitent fréquemment en 1542, 1543, 1545 et Legazpi en 1565.

Ce n'est qu'en 1686 que l'expédition de Francisco de Lezcano arriva sur l'île de Yap et nomma le groupe d'îles Carolinas, en l'honneur du roi Carlos II d'Espagne, étendant le nom aux îles Palau. Bien qu'aucune colonie n'ait été établie à cette occasion, cela a au moins permis à la Cour Espagnole de prendre conscience de l'importance de l'immense archipel, et finalement, le 19 octobre 1707, un décret royal a été signé, autorisant l'établissement d'une mission religieuse, puisque le seul but était l'évangélisation de l'archipel et non pas des fins commerciales.

Les premières expéditions religieuses furent un échec cuisant, certains missionnaires étant tués par les indigènes, et une fois de plus, l'idée de s'installer dans les Carolines fut oubliée, ce qui favorisa l'arrivée ultérieure d'Anglais et d'Allemands.

Carte Espagnole de l'époque montrant l'emplacement des Îles Carolines

En 1885, une délégation Espagnole signe avec les rois de Koror et d'Artingal un acte reconnaissant la souveraineté du roi d'Espagne sur les Carolines. Une fois le territoire obtenu, l'Espagne tente d'établir des droits de douane dans la région, mais l'Allemagne et le Royaume-Uni protestent, arguant de l'abandon des îles par l'Espagne, contrairement à ces 2 pays qui y avaient des commerçants. Le conflit est lancé et, étonnamment, cette fois-ci, ce n'est pas l'Angleterre qui va poser le plus de problèmes, mais l'Allemagne.

Pendant le conflit, une Espagnole, Bartola Garrido, fut la protagoniste d'un événement qui mérite d'être rappelé pour sa défense des intérêts Espagnols. Doña Bartola Garrido était une Chamorrane élevée et éduquée à Guam, qui avait épousé un marchand de coprah Américain, avec lequel elle s'était installée à Yap en 1875. Il se trouve qu'en août 1885, l'Allemagne a envoyé 2 navires de guerre dans la région pour faire pression. Doña Bartola a alors hissé un drapeau Espagnol, qu'elle avait elle-même fabriqué, dans un arbre sur le plus haut sommet de l'île de Yap pour avertir les Allemands qu'il s'agissait de terres Espagnoles.

L’église construite par les Espagnols à Ponabé

Entre-temps, à Madrid, d'abord verbalement le 6 août, puis par écrit le 11 août, l'ambassadeur allemand annonce au gouvernement espagnol l'intention de son pays d'occuper les îles Caroline, qu'il considère comme un territoire sans propriétaire (res nullius). Cette annonce provoque un tollé considérable en Espagne : manifestations patriotiques massives, manifestes anti-allemands enflammés, lapidation de l'ambassade allemande et destruction de son drapeau en raison d'un tumulte populaire.

Les 21 et 22 août, respectivement, les frégates Espagnoles San Quintín et Manila arrivent à Puerto Tomil (aujourd'hui Yap). Les préparatifs en vue de la rédaction de l'acte de possession, qui comprend l'adhésion des chefs locaux et la reconnaissance pour choisir le site de la colonie, commencent rapidement. À 7 heures, un officier Allemand se présente au San Quintin pour faire l'annonce officielle :

« Qui avait solennellement déclaré tout l'archipel sous la protection de S.M. l'Empereur Wilhem II d'Allemagne, avec toutes les exigences du Traité de Berlin, montrant en même temps l'acte de possession signé, non seulement par les étrangers résidant à Yap, mais aussi par les résidents du pays ».

La réaction du Gouverneur Espagnol, Enrique Capriles, face à cette démonstration flagrante de l'efficacité Teutonne ne s'est pas fait attendre :

« Comment est-il possible que le commandant dudit navire prétende faire valoir des droits pour soutenir l'occupation ? Je dois déclarer à Votre Majesté que je suis déterminé à maintenir notre honorable drapeau à tout prix, et je demande pour cela l'aide morale et matérielle de Votre Majesté ».

En effet, Capriles avait ordonné que le drapeau Espagnol soit hissé sur la terre ferme. Le lendemain, les Allemands protestent en affirmant que le drapeau a été hissé "sur le territoire Allemand".

Acte de rétrocession des Îles Carolines aux Allemands

La crise est sur le point d'éclater et, avec elle, la confrontation armée. Les forces en présence sont tellement égales, malgré le petit contingent de marines Espagnoles, que si l'affrontement avait eu lieu, il se serait soldé par une victoire à la Pyrrhus pour l'une ou l'autre des parties, les laissant toutes 2 extrêmement affaiblies. Cependant, le capitaine de frégate Guillermo España décide de prendre le commandement et de retirer le pavillon.

Bien que la marine Allemande ait été déclarée de second ordre et ne dispose d'aucun navire moderne, la situation de la force navale Espagnole s'est gravement détériorée depuis le milieu du siècle, comme le Gouverneur des Philippines l'a fait savoir à Capriles :

« Malheureusement, vous n'ignorez pas notre manque absolu de moyens matériels pour repousser une agression aussi inique, aggravé par les craintes du gouvernement de Sa Majesté de voir cette capitale (Manille) menacée en même temps par les forces Allemandes ».

Tombes des missionnaires Espagnols à Ponabé

L'idée d'une guerre avec l'Espagne pour les Carolines n'était pas non plus une bonne solution pour l'Allemagne, comme l'a clairement indiqué le chancelier Otto von Bismarck :

« Que faire ? bombarder les forteresses maritimes Espagnoles ? Beaucoup me pressent de le faire, mais je pense qu'il faudrait dépenser peut-être 100 millions pour de nouvelles haines et de nouvelles discordes.... »

Finalement, sur proposition de l'Espagne, le pape Léon XIII a arbitré pour régler le conflit. Le pape rendit une sentence, signée sous forme de protocole à Rome par les 2 puissances le 17 décembre 1885.

Selon ce protocole, l'Espagne obtient la souveraineté sur l'archipel mais accorde à l'Empire Allemand la liberté de commerce, de navigation et de pêche dans les îles Marshall, ainsi que la liberté des établissements agricoles. En outre, une station navale et un dépôt de charbon sont accordés à la marine Allemande. Ces avantages ont été étendus à la Grande-Bretagne grâce à la médiation du pape.

Les autochtones de l'époque. Cette pierre est la monnaie qu'ils utilisaient sur l'île de Yap

À la fin du conflit, l'Espagne établit un petit détachement militaire et un petit groupe de missionnaires capucins dans le but de fonder une colonie permanente sur l'île de Yap, tout près de la baie de Chamorro. Outre plusieurs maisons, une église et une école ont été construites. Cette première colonie s'appelait Santa Cristina del Yap.

En 1899, après la défaite de la guerre Hispano-Américaine, l'Espagne a vendu les îles Carolines et les Mariannes à l'Allemagne pour 25 millions de pesetas, en se réservant le droit d'établir un gisement de charbon dans la région.

Le séjour de l'Allemagne dans les îles Caroline a également été de courte durée car, en 1914, le Japon a envahi l'archipel, mais ceci est une autre histoire …

Le mur Espagnol

Sources :

La Crisis de las Carolinas ; Thèse d’Agustín R. Rodríguez González & Real Academia de la Historia

À Nîmes, le jeudi 24 août 2023

Denis Cazorla y Almería

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